Le cartulaire du prieuré de Saint-Mont est le premier document connu où apparaît le nom de Courrensan, d’une part sous sa forme latine (Corrensanum) et d’autre part sous une forme vernaculaire (Correnzá).
Dans le monde médiéval, un cartulaire est un recueil de copies d’actes juridiques (chartes, titres de propriété, titres accordant des droits) établis par une autorité (église, monastère, seigneurie) à des fins de conservation. Ces documents, qui comprennent parfois des récits et des anecdotes très utiles pour les historiens, prennent la forme de recueils ou de rouleaux.
Il existe deux versions du cartulaire de Saint-Mont, l’une en rouleau, la seconde en recueil. Le texte le plus ancien (la notice concernant la fondation du prieuré de Saint-Mont) date de 1055 et figure dans le cartulaire recueil.
Fondé en 1050 par Raymond de Saint-Mont et Bernard Tumapaler, comte d’Aquitaine, le prieuré de Saint-Mont est donné à l’abbaye de Cluny.
C’est la quatrième charte du cartulaire recueil, datable ce 1062, qui mentionne pour la première fois Courrensan.
Charte de 1062
C’est la charte IV du cartulaire
Texte latin
Quoniam debet unus quisque homo qualia sint tormenta infernuorum recogitare, et quandiu vivit, peccata sua secundum suum posse helemosinis redimere. Quapropter ego Oddo de Lomania, frater Bernardi comitis Armaniacensis, reminiscensire futuri judicii ut mihi dominus et patri meo et parentibus meis indulgentiam omnium peccatorum nostrorum tribuat ; faventibus omnibus meis filiis scilicet Oddo, W. et G. Trencaleone, et Beziano, et W. Arnaldo, et omnibus meis amicis ; Deo et beato Johanni Sancti Montis et beato Martiano de Corrensano dono procurationem quam semel in anno, juste vel injuste, in domum de Correnzano habebam. Testes que jussores hujus donationis fuerunt Arnaldus de Biran , et Willelmus de Majalto, et multi alii qui hoc viderunt et audierunt.
Traduction
Attendu que chacun doit considérer les tourments de l’enfer et, tant qu’il vit, racheter ses péchés selon ses moyens par l’aumône. C’est pourquoi, moi, Odon de Lomagne, frère de Bernard, comte d’Armagnac, me souvenant du jugement prochain, afin que le Seigneur m’accorde, à moi, à mon père et à mes parents, l’indulgence pour tous nos péchés ; avec le soutien de tous mes fils, à savoir Odon, Géraud-Trenqueléon, Vezian, et Arnaud-Guillaume, et tous mes amis, je remets à Dieu et à Saint-Jean de Saint-Mont et à Saint-Martin de Courrensan le droit que j’avais une fois par an, à juste titre ou injustement, dans la maison de Courrensan. Les témoins et les commanditaires de cette donation furent Arnaldo de Biran, Guillaume de Majalto, et bien d’autres qui ont vu et entendu cela.
Explication
Par cet acte, Odon II de Lomagne, seigneur de Courrensan, établit une donation au bénéfice de l’abbaye Saint-Jean-Baptiste de Saint-Mont et de l’église Saint-Martin de Courrensan (l’église paroissiale dont le curé, prieur de Courrensan, est un moine de Saint-Mont) des revenus qu’il tire une fois par an des propriétés qu’il détient dans la paroisse de Courrensan soit en vertu d’un titre (« juste » – à juste titre) soit en l’absence de titre (« injuste » – injustement).
Toponymie
Corrensano ou Correnzano, abl. de Corrensanum ou Correnzanum
Datation
D’après Jaugain : « Bernard II Tumapaler, qui est qualifié comte d’Armagnac dans cette charte, s’intitulait encore comte de Gascogne peu de temps avant le 4 août 1062 (voy. l’acte VII); la donation d’Odon de Lomagne fut donc rédigée après que Tumapaler eut été vaincu par Guy-Geoffroy et avant qu’il se fut fait moine. «
Charte du 9 septembre 1068
Où la fille d’Odon de Lomagne déclare ratifier, pour le prix d’un cheval (!), une donation effectuée sans son consentement par son mari Guéraud d’Arbeissan.
Charte XXX du cartulaire
Texte latin
Notum sit omnibus Christianis quod ego filia Oddonis vicecomitis Lomanie, uxor Geraldi Orbeissani, per cousilium ipsius Geraldi mariti mei et amicorum meorum, et per cousilium Fortonis Garsie abbatis ecclesie Correntiani, donum quod feci et testamentum Deo et Sancto Johanni de Sancto Monte qui est sub potestate Sancti Petri Cluniacensis, in tempore dompni. U. abbatis post adjectionem Bernardi Tumapalerii et monachorum Sancti Johannis quam contra voluntatem meam fecerunt dominus meus Geraldus et abbas supradictus, videntibus cunctis publice, in manu archiepiscopi Willelmi et Aimari prioris cum clave ipsius ecclesie Correntiane, nunc et semper perpetualiter ad firmo et recupero illud donum cum testamenti affirmatione nullo contradicente. Tamen maritus meus et ego pro meliori ad firmatione hujus doni accepimus unum optimum equum precio centum solidorum.
Postea vero cum consilio meo Forto Garsias supradictus abbas Correntiani tunc temporis dedit seipsum fieri monacum cum toto honore suo et rectitudine quam habebat et jure tenebat in ipsam eclesiam, scilicet culturas, vineas, et omnia que ibi tenebat et possidebat extra casalem et mansiones suas quas postea dedit Sancto Johanni cum uno filio suo Geraldo tali tenore ut semper maneret cum Sancto Johanne ; sin autem discesserit, honor liber et absolutus Sancto Johanni et suis remaneret.
Deinde Bernardus de Zalana, bonus miles, pro anima sua et parentum suorum dedit in illo loco ecclesiam Sancte Marie Lane cum cimiterio et decima ipsius ecclesie scilicet duas partes, et Garsialupus, socius ejus, similiter dedit aliam tertiam partem cum filio suo Americio scholastico.
In ipso autem loco dedit supradictus miles Bernardus quandam terre particulam ad plantandam vineam pro sepultura fîlii sui parvuli.
Fortarsius quidem qui postea monacus factus est in Correntiano sepultus, similiter dedit Sancto Johanni sextam partem supradicte ecclesie Sancte Marie Lane cum vineis suis ibi plantatis, pro anima sua.
Hoc cartula facta est mense septembris, in claustro Sancti Montis, luna octava, feria tertia ; regnante Philippo rege ; Auxiensem ecclesiam dompno Willelmo archiepiscopo gubernante. Si quis hanc cartulam contradixerit, male dampnatus cum Juda traditore permaneat. Amen. Signum Geraldi Erbeissani et uxoris ejus qui hanc cartulam subscribere rogaverunt. Testes hujus doni fuerunt Bernardus Tumapalerius et Raimundus, monacus, et Bernardus, miles, dictus Contrarius, et Garsias claviger, filiusque ejus , Donatus Garsias et Donatus Forto et nonnulli alii utriusque sexus.
Traduction
Que tous les chrétiens sachent que moi, fille d’Oddo, vicomte de Lomagne, épouse de Géraud d’Arbeissan, sur les conseils de mon époux Géraud et de mes amis, et sur l’avis de Fort-Garcia, abbé de l’église de Courrensan, j’ai fait un don à Dieu et à Saint-Jean-du-Mont-Athos, sous l’autorité de Saint-Pierre de Cluny, du temps de mon seigneur l’abbé, après l’ajout de Bernard Tumapaler et des moines de Saint-Jean, ajout que mon seigneur Géraud et ledit abbé ont fait contre ma volonté, en public, par l’intermédiaire de l’archevêque Guillaume et du prieur Aymar, munis de la clé de l’église de Courrensan. Ce don, je le confirme et le recouvre maintenant et à jamais par la simple affirmation du testament, sans que personne ne puisse le contester. Cependant, mon mari et moi, pour une meilleure confirmation de ce don, avons accepté un excellent cheval d’une valeur de cent sous.
Plus tard, cependant, sur mes conseils, Fort-Garcia, l’abbé susmentionné de Courrensan à cette époque, se donna pour devenir moine avec tout l’honneur et la droiture qu’il avait et détenait légitimement dans la même église, à savoir les récoltes, les vignes et tout ce qu’il possédait là-bas en dehors de sa ferme et de ses manoirs, qu’il donna plus tard à Saint-Jean avec son fils Géraud, à telles conditions qu’il resterait toujours avec Saint-Jean. Mais qu’en cas de décès, l’honneur reste entièrement et librement acquis à Saint-Jean et à sa famille.
Bernard de Lalanne, un vaillant chevalier, fit ensuite don, en ce lieu, de l’église Sainte-Marie de Lalanne avec le cimetière et la dîme de l’église elle-même, soit deux parts, pour sa propre vie et celle de ses parents. Son associé, Garcia-Loup, fit de même don d’un tiers avec son fils Americius le Scolastique.
Au même endroit, le chevalier Bernard donna une parcelle de terre pour y planter une vigne destinée à la sépulture de son jeune fils.
Fort-Arsien, devenu moine par la suite et inhumé à Courrensan, fit également don à Saint-Jean d’un sixième de l’église de Sainte-Marie de Lalanne, avec ses vignes, pour le salut de son âme.
Cette charte fut établie au mois de septembre, au cloître de Saint-Mont, le huitième jour de la lune, le troisième jour férié, sous le règne du roi Philippe ; l’église d’Auxiens était alors administrée par l’archevêque Guillaume. Si quelqu’un contredit cette charte, qu’il demeure avec Judas le traître, car il sera sévèrement condamné. Amen. Signé de Géraud d’Arbeissan et de son épouse, qui ont demandé à signer cette charte. Les témoins de cette donation furent Bernard Tumapaler et Raymond, moine, Bernard, chevalier, dit Contrarius, Garcia-Clavier et son fils, Donatus-Garcia et Donatus-Fortus, ainsi que d’autres personnes des deux sexes.
Commentaire
La fille d’Odon, vicomte de Lomagne, femme de Géraud d’Arbeissan, déclare confirmer et ratifier la donation de l’église de Courrensan faite antérieurement à Saint-Mont, contre sa volonté, par son mari et Fort-Garcia, abbé laïque de Courrensan.
Plus tard, vers 1070, ledit Fort-Garcia, abbé laïque, se fit moine et donna tous ses biens au couvent, à l’exception d’un casal et de ses manses qu’il donna aussi à Saint-Mont, depuis, avec un de ses fils nommé Géraud.
En outre, Bernard de Lalanne, chevalier, a fait don à Saint-Mont de deux parts de l’église Sainte-Marie de Lalanne, de son cimetière et de ses dîmes, et Garcia-Loup, son allié, a donné une troisième part de ladite église, avec son fils Aimery, écolier. Bernard de Lalanne a donné de plus, pour les funérailles de son jeune fils, une petite parcelle de terre pour y planter une vigne.
Enfin Fort-Arsieu, qui depuis se fit moine et fut enterré à Courrensan, donna aussi à Saint-Mont le sixième de ladite église de Lalanne, avec les vignes qu’il y avait plantées.
Jauguin, 1904
Toponymie
Correntiani, gen. et Corentiano, abl. de Correntianum
Mais également forme adjectivale : eccelsia Correntiana (mot à mot : église courrensannaise)
Bibliographie
Jaurgain, Jean de – Maumus, Justin : Cartulaire du prieuré de Saint-Mont (ordre de Cluny), publié pour la Société historique de Gascogne, 1904, Paris, Honoré Champion, Auch, Léonce Cocharaux
- https://archive.org/details/cartulairedupr00sain/page/n3/mode/2up
- https://outils.lamop.fr/lamop/cema/1759.pdf
Jaurgain, Jean de : La Vasconie; étude historique et critique sur les origines du royaume de Navarre, du duché de Gascogne, des comtés de Comminges, d’Aragon. de Foix, de Bigorre, d’Alava & de Biscaye, de la vicomté de Béarn et des grands fiefs du duché de Gascogne, 1898, Pau, Garet imp
Samaran, Charles : Le plus ancien cartulaire de Saint-Mont (Gers) (XIe-XIIIe siècles). In: Bibliothèque de l’école des chartes. 1952, tome 110. pp. 5-56;
- https://doi.org/10.3406/bec.1952.449456
- https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1952_num_110_1_449456
Cursente, Benoît. « Vocalité et littérature : les cartulaires gascons des XIe et XIIe siècles ». Sempre los camps auràn segadas resurgantas, édité par Jean-Claude Bouvier et al., Presses universitaires du Midi, 2003
Rédaction : Frédéric Maguet




